Par Franck BEAUDOIN, avocat, FB Juris
Publié sur idroit.co le 18 juin 2020
Actualisé le 29 juin 2020
Le locataire qui se maintient dans les lieux après l’expiration d’un bail commercial, quelle qu’en soit la cause (congé, résiliation judiciaire, application de la clause résolutoire), devient un occupant sans droit ni titre qui peut être expulsé.
La procédure d’expulsion obéit à un formalisme particulier.
L’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux (L. 411-1 CPCE).
Sauf mention contraire, les articles cités sont ceux du code des procédures civiles d’exécution (CPCE).
Ordonnance de référé
L’expulsion peut-elle être poursuivie sur le fondement d’une ordonnance de référé ?
Oui, l’expulsion peut être poursuivie sur le fondement d’une ordonnance de référé qui constate la résiliation du bail commercial et ordonne l’expulsion. L’ordonnance de référé est une décision certes provisoire, mais exécutoire de plein droit.
Appel
L’appel fait-il obstacle à l’expulsion ?
Non, l’appel interjeté contre l’ordonnance de référé n’a pas d’effet suspensif : la décision peut donc être exécutée, nonobstant l’appel. Cette solution peut sembler quelque peu illogique, car l’expulsion peut entraîner des conséquences irréversibles, alors que l’appel est susceptible d’aboutir à l’annulation de l’expulsion.
Recours contre l’expulsion
Existe-t-il des recours contre l’expulsion ?
Oui, l’occupant dispose de recours. Il peut solliciter un délai de grâce, même après la signification d’un titre exécutoire ordonnant l’expulsion et d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.
CONTENU RÉSERVÉ
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+ LIRE > Justice – Délai de grâce
+ LIRE > Justice – JEX – Saisine simplifiée du juge de l’exécution en matière d’expulsion (guide et modèle)
Étapes de la procédure d’expulsion et délais
Quelles sont les étapes de la procédure d’expulsion ?
Quand l’expulsion forcée peut-elle intervenir ?
En bref, les étapes de la procédure d’expulsion sont :
- obtention d’un titre exécutoire ordonnant l’expulsion, notamment une ordonnance de référé,
- signification par huissier de justice, à l’occupant, de la décision de justice,
- signification par huissier de justice d’un commandement d’avoir à libérer les locaux,
- tentative d’expulsion par l’huissier de justice chargé de l’exécution (en cas d’échec : procès-verbal de tentative d’expulsion),
- réquisition de la force publique par l’huissier de justice chargé de l’exécution (procès-verbal de réquisition adressé au préfet, qui doit répondre dans un délai maximum de deux mois),
- si le concours de la force publique est accordé, l’huissier peut faire procéder, de force, à l’ouverture des locaux et à l’expulsion, avec l’aide des forces de police ou de gendarmerie et d’un serrurier.
Décision de justice exécutoire
En détail et en pratique, le bailleur doit obtenir une minute, copie originale de l’ordonnance de référé, signée par le président du Tribunal et le greffier et comportant la formule exécutoire :
“En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous Huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux Judiciaires d’y tenir la main, à tous Commandants et Officiers de la force publique, de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.”
Signification de la décision de justice
Cette décision de justice doit ensuite être signifiée, par huissier de justice, à l’occupant. La signification est effectuée conformément aux articles 653 et suivants du code de procédure civile. Lorsque la représentation est obligatoire, la décision doit en outre être préalablement notifiée à son avocat.
Cette signification fait courir le délai d’appel contre l’ordonnance de référé, qui est de quinze jours.
Commandement d’avoir à libérer les locaux
Le bailleur doit également faire signifier un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ce commandement peut être délivré dans l’acte de signification du jugement (R. 411-1 dernier alinéa CPCE).
Le commandement d’avoir à libérer les locaux ne peut pas être signifié à domicile élu (R. 411-2 CPCE).
Le commandement d’avoir à libérer les locaux prend la forme d’un acte d’huissier de justice signifié à la personne expulsée et contient à peine de nullité (R. 411-1 CPCE) :
1° L’indication du titre exécutoire en vertu duquel l’expulsion est poursuivie ;
2° La désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délais et toutes contestations relatives à l’exécution des opérations d’expulsion ;
3° L’indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés ;
4° L’avertissement qu’à compter de cette date il peut être procédé à l’expulsion forcée du débiteur ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef.
Tentative d’expulsion
L’huissier de justice chargé de l’exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution. Il est habilité, lorsque la loi l’exige, à demander au juge de l’exécution ou au ministère public de donner les autorisations ou de prescrire les mesures nécessaires (L. 122-2 CPCE).
Dès la signification du commandement d’avoir à libérer les locaux, l’huissier peut tenter d’expulser l’occupant. Si l’expulsé refuse de quitter les lieux, l’huissier dresse un procès-verbal de tentative d’expulsion.
Réquisition du concours de la force publique
L’huissier de justice chargé de l’exécution peut alors requérir le concours de la force publique (L. 153-2 CPCE). Pour ce faire, il s’adresse au préfet. La réquisition contient une copie du dispositif du titre exécutoire. Elle est accompagnée d’un exposé des diligences auxquelles l’huissier de justice a procédé et des difficultés d’exécution (R. 153-1 CPCE). En pratique, elle prend la forme d’un procès-verbal de réquisition.
L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation (L. 153-1 CPCE). Toute décision de refus de l’autorité compétente est motivée. Le défaut de réponse dans un délai de deux mois équivaut à un refus. Ce refus est porté à la connaissance du créancier par l’huissier de justice (R. 153-1 CPCE).
Expulsion de force
Si le concours de la force publique est accordé, l’huissier peut se rendre dans les lieux, accompagné par les forces de police ou de gendarmerie et un serrurier. Il peut alors faire procéder, de force, à l’ouverture des locaux et à l’expulsion.
Les dispositions des articles L. 142-1 et L. 142-3 ne s’appliquent pas en matière d’expulsion, sous réserve des dispositions de l’article L. 451-1.
L’huissier dresse un procès-verbal d’expulsion.
Sort des meubles
Quel est le sort des meubles se trouvant à l’intérieur du local ?
Les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. À défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de deux mois non renouvelable à compter de la remise de la signification du procès-verbal d’expulsion (L. 433-1 et R. 433-2 CPCE).
À l’expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens susceptibles d’être vendus. Les biens qui ne sont pas susceptibles d’être vendus sont réputés abandonnés. Le produit de la vente est remis à la personne expulsée après déduction des frais et de la créance du bailleur (L. 433-2 CPCE).
Pour plus de détails, il convient de se reporter aux articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.
Réinstallation de l’occupant expulsé
La réinstallation sans titre de la personne expulsée dans les mêmes locaux est constitutive d’une voie de fait. Le commandement d’avoir à libérer les locaux signifié auparavant continue de produire ses effets (R. 441-1 CPCE).
+ LIRE > Justice – Expulsion du local commercial : guide pratique
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