Par Franck BEAUDOIN, avocat, FB Juris
Publié sur idroit.co le 28 avril 2020
Face à la crise sanitaire du coronavirus, pour réussir le double défi du confinement et du déconfinement, l’entreprise doit anticiper et réagir de manière appropriée dans un cadre juridique inédit, complexe et évolutif. Elle doit maîtriser les risques et prévenir la mise en cause de sa responsabilité.
Ces développements, complétés par des ateliers sous forme de visioconférences interactives, font partie du guide juridique:
L’entreprise face au Covid-19 : problèmes et solutions juridiques
Se conformer aux mesures spécifiques adoptées par les autorités
Dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus, le gouvernement a adopté différentes mesures spécifiques, par voie réglementaire.
Le 21 et le 22 mars 2020, les parlementaires ont adopté définitivement la loi organique et la loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Le gouvernement est habilité à adopter, par ordonnance, différentes mesures d’urgence, relevant du domaine de la loi, pour faire face à la crise du Covid-19. Il est à noter que ces mesures peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, rétroactivement à compter du 12 mars 2020.
Le 25 mars 2020, le gouvernement a édicté des ordonnances en application de cette loi. Ces règles ont parfois été précisées ou modifiées par des ordonnances ultérieures.
Le cadre juridique est actuellement très changeant.
Les entreprises doivent donc assurer une veille juridique assidue et prendre immédiatement les mesures nécessaires pour se conformer à ces nouvelles règles spécifiques.
Notamment, parmi les mesures spécifiques adoptées par le gouvernement avant l’entrée en vigueur de la loi d’urgence, on peut citer :
- le confinement des personnes physiques (décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19),
- le contrôle des prix de certains produits (décret n° 2020-197 du 5 mars 2020 relatif aux prix de vente des gels hydro-alcooliques),
- les réquisitions concernant certains produits (décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, modifié par le décret n° 2020-281 du 20 mars 2020).
Depuis le début de la crise, la gestion du gouvernement ne témoigne pas d’une anticipation et d’une cohérence parfaites. Certaines mesures ont été adoptées très tardivement. D’autres paraissent incohérentes. Le gouvernement a changé de position sur des questions essentielles, comme le port du masque par exemple. Le gouvernement a, dans un premier temps, interdit à ses propres agents des forces de l’ordre de porter des masques respiratoires. Il semble désormais que le port du masque pourrait être imposé dans certains lieux publics.
Il est prévisible que le déconfinement donnera lieu à la même insécurité juridique que le confinement.
L’entreprise doit non seulement se conformer aux mesures spécifiques adoptées par les autorités, mais elle doit les anticiper et même aller au-delà de ces mesures lorsqu’elles paraissent inadaptées, incohérentes ou insuffisantes.
Le principe de précaution
Le gouvernement français a imposé le confinement des personnes, tout en demandant la poursuite des activités professionnelles, autant que possible. Le gouvernement a même exigé que certains secteurs poursuivent leur activité, alors que la France connaissait une pénurie de solution hydroalcoolique et de masques respiratoires. Les entreprises ont donc été incitées à poursuivre leurs activités, en adoptant les mesures qui leur paraissaient adaptées, dans la mesure du possible.
Le gouvernement a ainsi rendu les entreprises responsables de déterminer dans quelle mesure elles pouvaient poursuivre leurs activités et de définir les procédures appropriées, dans la limite de leurs moyens, pour protéger les personnes et éviter la propagation du virus.
Dans ce contexte, les entreprises doivent agir prudemment, dans le respect de l’ensemble des règles applicables et du principe de précaution. Les entreprises ne peuvent donc pas se contenter de respecter les mesures spécifiques adoptées par les autorités pour lutter contre le Covid-19. Elles doivent définir et mettre en oeuvre toutes les mesures appropriées, compte tenu des spécificités de leur activité.
Au-delà du respect des mesures spécifiques applicables, l’entreprise doit agir avec prudence et prendre les précautions qui s’imposent, pour éviter la propagation du virus et pour protéger ses employés, les clients, les partenaires et les tiers.
Les manquements de l’entreprise sont susceptibles de mettre en cause sa responsabilité civile et même sa responsabilité pénale.
Prévenir la mise en cause de la responsabilité de l’entreprise
La responsabilité civile extracontractuelle
La responsabilité du fait des produits défectueux
L’obligation générale de sécurité des produits et des services
La responsabilité pénale : le délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui
Gérer les ressources humaines
Chômage partiel
Pour les entreprises devant réduire ou suspendre leur activité, le gouvernement a mis en place un dispositif de chômage partiel (https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises).
Confinement
Compte tenu des mesures de confinement, le télétravail doit être privilégié chaque fois que c’est possible, durant la crise sanitaire. Par dérogation, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 autorise notamment :
- les trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et les déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;
- les déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées.
Obligation de l’employeur d’assurer la sécurité des travailleurs
Obligations des travailleurs en matière de santé et de sécurité
Droit d’alerte et de retrait des salariés
Les salariés qui continuent à se déplacer ou à être en contact avec la clientèle ou toute autre personne, dans le cadre de leur travail, peuvent exercer leur droit de retrait et donc cesser le travail s’ils considèrent qu’il existe un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.
Délégation de pouvoirs
Au sein d’une société ou d’un groupe, la délégation de pouvoirs permet de définir les compétences et les responsabilités, de structurer les processus décisionnaires et la chaîne des responsabilités. Elle peut exonérer la responsabilité pénale du délégant. Le représentant légal d’une société ou d’un groupe d’une certaine dimension a tout intérêt à mettre en place des délégations de pouvoirs, afin d’éviter d’être responsable, notamment pénalement, de tout ce qui peut potentiellement advenir au sein de la société ou des sociétés du groupe.
Juridiquement, le mécanisme de la délégation de pouvoirs présente deux intérêts majeurs : 1) habiliter spécialement le délégataire à effectuer certains actes qui ne relèveraient sinon pas de sa compétence, afin d’assurer la validité de ces actes, et 2) définir les responsabilités, en permettant notamment au délégant d’exonérer sa responsabilité, y compris pénale, pour des actes ou omissions relevant de l’autorité du délégataire.
Modèle de délégation de pouvoirs simple
Guide juridique et modèle de délégation de pouvoirs développée bilingue (français et anglais)